Les élections fédérales allemandes ont lieu aujourd’hui, le 23 février. Les enjeux sont importants : les attaques violentes envers les journalistes sont fortement en hausse, et les entreprises de média et leurs employés subissent de lourdes pressions. Afin de protéger et renforcer la liberté de la presse et le droit à une information fiable et libre, Reporters sans frontières (RSF) adresse au futur gouvernement ses recommandations, qui s’articulent autour de quatre grands axes d’action.

«La liberté de la presse est consacrée par la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne. Cependant, des évolutions inquiétantes sont à noter : le doute jeté sur la crédibilité des médias est délibérément amplifié par des acteurs populistes et d’extrême droite. Les attaques violentes contre les journalistes sont devenues monnaie courante lors de nombreuses manifestations. Cette élection est donc décisive. Il ne peut y avoir de démocratie sans liberté et sans pluralisme des médias. Nous appelons le futur gouvernement à garantir que ce droit fondamental ne soit pas affaibli, en particulier sur les plateformes numériques.»

Anja Osterhaus
Directrice de la section allemande de RSF

L’Allemagne occupe la 10e place sur 180 dans le Classement mondial sur la liberté de la presse établi par RSF en 2024, ce qui témoigne de conditions globalement satisfaisantes pour le travail journalistique. Cependant, les rédactions, en particulier au niveau local, subissent une forte pression économique, au point que certaines régions risquent de devenir des déserts médiatiques. Par ailleurs, les journalistes étrangers exilés en Allemagne ne sont pas suffisamment protégés contre la répression transnationale exercée par leurs pays d’origine. En outre, ces dernières années, le législateur a durci de nombreuses lois sécuritaires, établissant ainsi des précédents en matière de surveillance des journalistes et de leurs sources, qui jouent pourtant un rôle essentiel dans le débat public et l’intérêt général.

Cinq recommandations de RSF pour le futur gouvernement allemand
  1. Prendre l’initiative en faveur de la liberté des médias au sein de l’UE: Mettre en œuvre et transposer la législation européenne sur la protection de la liberté des médias, de leur indépendance et de leur pluralisme, et protéger les journalistes contre les procédures-bâillons (SLAPP), comme le stipulent l’Acte européen sur la liberté des médias (EMFA) et les recommandations et législations anti-SLAPP de l’UE. L’Allemagne doit jouer un rôle de premier plan dans ce domaine.

  2. Garantir la protection des journalistes: Les reporters doivent être mieux protégés contre les agressions lors d’événements, en particulier les manifestations. La police, les forces de l’ordre et le pouvoir judiciaire doivent bénéficier d’une formation renforcée pour mieux gérer les affaires impliquant des journalistes.

  3. Protéger et soutenir les professionnels des médias en exil: Les journalistes persécutés doivent pouvoir obtenir un titre de séjour en Allemagne sans être confrontés à une bureaucratie excessive. Le futur gouvernement doit leur offrir le soutien nécessaire pour qu’ils puissent poursuivre leur travail en exil. Un bureau de coordination devrait être mis en place pour les protéger contre la répression transnationale exercée par des gouvernements autoritaires.

  4. Renforcer la liberté de la presse dans les politiques numériques et sécuritaires: Le nouveau gouvernement allemand doit garantir une protection numérique efficace pour tous les journalistes et leurs communications. Le secret des sources et la confidentialité rédactionnelle doivent être mieux inscrits dans la législation, et le droit au chiffrement doit être juridiquement consacré. Le contrôle des services de renseignement doit être renforcé afin d’empêcher toute surveillance illégale des médias.

  5. Renforcer le journalisme – pour la démocratie et contre la désinformation: La diversité des médias et l’indépendance éditoriale doivent être consolidées. Les services qui s’engagent à respecter des normes professionnelles élevées doivent être favorisés dans les classements et les algorithmes de recommandation. Lors de la mise en œuvre nationale du Digital Services Act, les dispositions de l’EMFA (Acte européen sur la liberté des médias) doivent être prises en compte. Le futur gouvernement doit fixer des normes strictes pour les très grandes plateformes numériques, notamment en matière de suppression de contenu, de structuration des actualités dans les fils d’actualité (en garantissant une mise en avant adéquate des médias de confiance certifiés selon la norme mondiale établie par la Journalism Trust Initiative (JTI) ou une autre norme professionnelle reconnue), de gestion des violences numériques et de lutte contre la désinformation. Le journalisme à but non lucratif doit être officiellement reconnu et bénéficier d’un traitement fiscal préférentiel.

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