Reporters sans frontières (RSF) dénonce la situation kafkaïenne dans laquelle se trouve le photojournaliste suisse Marc Progin, poursuivi depuis quatre ans pour avoir couvert une manifestation à Hong Kong en 2019, et qui s’est récemment vu refuser l’indemnisation de ses frais de justice alors qu’il a été acquitté à deux reprises. La section suisse de RSF appelle le Département fédéral des affaires étrangères à intervenir en sa faveur auprès des autorités compétentes et à lui accorder à tout le moins la protection diplomatique qui lui est due.

Depuis quatre ans, le photojournaliste indépendant suisse Marc Progin, 78 ans, fait l’objet de poursuites pour “aide et complicité de troubles à l’ordre public”, une infraction pénale passible d’un an de prison, après s’être retrouvé coincé au milieu d’un affrontement entre des manifestants pro-démocratie et un de leurs détracteurs durant une manifestation qu’il couvrait en 2019 à Hong Kong.

En avril 2022, le photographe a été acquitté pour la seconde fois par le tribunal de première instance (Magistrate’s Court), qui a ordonné l’indemnisation de ses frais de justice. Mais le 8 août 2023, une des juges de la haute cour, nommée directement par le chef de l’exécutif pour les affaires de sécurité nationale, lui a refusé le remboursement, l’obligeant à prendre en charge une dépense d’environ 500 000 dollars hongkongais (environ 58 000 euros). Marc Progin dispose de 28 jours pour faire appel auprès de la cour d’appel final de Hong Kong.

“La campagne de harcèlement judiciaire orchestrée depuis quatre ans par le gouvernement de Hong Kong contre le photojournaliste Marc Progin, en l’absence totale de faits délictueux et malgré deux acquittements, est à l’évidence destinée à dissuader les journalistes étrangers qui souhaiteraient couvrir de futures manifestations dans le territoire. Nous exhortons les démocraties à faire pression sur Hong Kong pour restaurer pleinement la liberté de la presse, inscrite dans la loi fondamentale du territoire », déclare Cédric Alviani, directeur du bureau Asie-Pacifique de RSF.

Marc Progin, un homme d’affaires à la retraite devenu photojournaliste indépendant et basé à Hong Kong depuis plus de quarante ans, s’est forgé une réputation grâce à son travail de photographie documentaire en Mongolie et en Chine, et a suivi de près les manifestations pro-démocratie qui se sont déroulées à Hong Kong en 2019.

Ces trois dernières années, dans le sillage de la croisade anti-journalisme menée par le leader chinois Xi Jinping, le gouvernement de Hong Kong a poursuivi au moins 28 journalistes et défenseurs de la liberté de la presse, dont 12 sont toujours en détention. Le gouvernement a aussi forcé les quotidiens indépendants Apple Daily et Stand News à fermer, alors que six autres médias n’ont eu d’autre choix que de cesser leur activité face à la pression.

Hong Kong occupe le 140e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2023, après avoir chuté de 18 places en 20 ans. La Chine se place quant à elle au 179e rang sur 180 pays et territoires évalués.

 


 

Quatre ans de harcèlement judiciaire

  • 4 octobre 2019 : alors qu’il couvrait une manifestation prodémocratie dans le quartier d’affaires de Hong Kong, le photojournaliste Marc Progin a involontairement bloqué pendant quelques secondes le passage d’un supporter du gouvernement pris à partie par des manifestants.
  • 23 décembre 2019 : Marc Progin est arrêté à son domicile à 6h50 du matin pour suspicion de “troubles à l’ordre public”.
  • 29 avril 2020 : Marc Progin est officiellement accusé d’“aide et complicité de troubles à l’ordre public”.
  • 9-16 septembre 2020 : premier procès au tribunal de première instance de l’Est (Eastern Magistrate’s Court).
  • 13 novembre 2020 : la juge Stephanie Tsui acquitte Marc Progin du fait de l’absence de preuves quant à son intention de nuire, mais le ministère public fait appel de sa décision.
  • 28 avril 2022 : à l’issue d’une audience de révision du tribunal de première instance (Magistrate’s Court) de Kowloon, Marc Progin est de nouveau acquitté et le département de la Justice de Hong Kong reçoit l’ordre de payer ses frais de justice, conformément à la jurisprudence.
  • 23 mai 2023 : à la demande de l’accusation, la haute cour du tribunal de première instance tient une audience pour réviser la décision d’accorder une indemnisation à Marc Progin.
  • 8 août 2023 : la juge de la haute cour du tribunal de première instance, Esther Toh, directement nommée par le chef de l’exécutif John Lee et connue pour son engagement pro-gouvernemental, rejette la demande d’indemnisation de Marc Progin sous prétexte que la magistrate précédente “a commis une erreur” en prononçant l’acquittement.

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