Ihsane El Kadi a enfin recouvré la liberté après 22 mois de prison. Le directeur de Radio M et de Maghreb Émergent a bénéficié jeudi 30 octobre d’une mesure de grâce du président Abdelmadjid Tebboune. Reporters sans frontières (RSF) salue cette mesure qu’elle a appelée à plusieurs reprises.
L’information qui n’était qu’une rumeur insistante depuis des mois, est désormais officielle. Le président algérien Abdelmajid Tebboune a accordé une grâce présidentielle au journaliste Ihsane El Kadi (Photo: RSF) à l’occasion du 70e anniversaire de la révolution algérienne.
«C’est avec un immense soulagement que nous prenons acte de la libération d’Ihsane El Kadi. Cette mesure met fin au calvaire de plus de 23 mois de ce grand journaliste et de sa famille. RSF rappelle qu’il n’aurait jamais dû être emprisonné. Il faut désormais espérer que cette libération soit aussi le signal d’une levée des restrictions à la liberté de la presse.»
Khaled Drareni
Représentant de RSF en Afrique du Nord
La grâce présidentielle prononcée ce jeudi 31 octobre a enfin permis à Ihsane El Kadi de quitter la prison d’El Harrach, à Alger, où il était détenu depuis le 29 décembre 2022. Le patron de presse avait été condamné le 2 avril 2023 à cinq ans de prison dont trois ferme par le tribunal de Sidi Mhamed. Il avait vu sa peine aggravée en appel le 18 juin de la même année où il a été condamné à sept ans de prison dont cinq fermes pour avoir reçu «des fonds et des avantages de provenance étrangère aux fins de se livrer à une propagande politique» et avoir «porté atteinte à la sécurité de l’État […] et à l’ordre public». Une accusation qui n’avait pourtant pas été étayée lors de son procès. Il s’agissait en fait de sommes d’argent envoyées par sa fille – qui vit et travaille à Londres, et est aussi actionnaire d’Interface Médias, la société d’Ihsane El Kadi éditrice de Radio M et Maghreb Émergent – destinées à payer les salaires des employés.
Un patron de presse emprisonné, ses médias bâillonnés
Les médias d’Ihsane El Kadi, Radio M, a dû cesser ses activités le 19 juin 2024 après la confirmation de la dissolution d’Interface Médias par la justice, le 13 juin 2024. La Cour d’appel d’Alger a également confirmé la confiscation de ses actifs saisis ainsi qu’une amende de dix millions de dinars algériens (environ 70 000 euros) et une indemnisation de un million de dinars (environ 7 000 euros) à l’Autorité de régulation de l’audiovisuel.
RSF a mené une campagne internationale d’envergure en faveur de la libération de ce journaliste respecté en Algérie et à l’étranger pour son indépendance et sa droiture. L’organisation a notamment saisi la rapporteuse spéciale des Nations unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression, ainsi que la Media Freedom Coalition. Elle a également réuni 16 patrons de rédactions de 14 pays, dont le prix Nobel de la paix Dmitri Mouratov, pour demander sa libération. La pétition internationale lancée par RSF pour la libération d’Ihsane El Kadi a également récolté plus de 20 000 signatures, dont les premières 13 000 ont été déposées devant l’ambassade d’Algérie à Paris.
Les journalistes du site d’informations Algeria Scoop, Omar Ferhat et Sofiane Ghirous en détention provisoire depuis juin 2024 ont également été libérés jeudi 30 octobre. Ils étaient en détention préventive pour une vidéo publiée sur leur média montrant des jeunes du Sahara se plaignant de marginalisation.
L’Algerie occupe la 139e place dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2024 de RSF