Le procès des activistes ayant brandi une banderole portant l’inscription « Kill Erdogan with his own weapons! » lors d’une manifestation à Berne en 2017 (photo Keystone-ATS) s’est ouvert ce mardi devant la justice bernoise. Les journalistes chargés de couvrir l’audience ont été contraints par le tribunal de signer au préalable une « déclaration d’engagement » comprenant des multiples obligations sur la manière dont ils allaient rendre compte du procès.

Ils devaient ainsi s’engager à ne publier l’identité ni des personnes accusées, ni des témoins, ni des plaignants, et à ne faire état dans leurs comptes rendus d’aucune information sur l’âge, le sexe, l’activité professionnelle, la nationalité, la famille de ces mêmes personnes ni publier aucune indication quelconque qui permettrait de les identifier.

Par leur signature, les journalistes reconnaissaient en outre avoir pris connaissance des sanctions pénales qui pouvaient leur être infligées en cas de violation de ces engagements (article 292 du Code pénal, insoumission à une décision de l’autorité). Le formulaire à signer n’indiquait toutefois aucune voie de recours possible pour contester juridiquement le bien-fondé d’une telle déclaration d’engagement.

La section suisse de Reporters sans frontières s’élève vigoureusement contre un procédé totalement inhabituel et contraire à la liberté de la presse comme à la nécessaire transparence de la justice dans une société démocratique.

« Il n’appartient pas à la justice de dicter la manière dont les médias doivent rendre compte d’un procès, relève Denis Masmejan, secrétaire général de RSF Suisse. Les journalistes sont déjà liés par leurs propres règles déontologiques et celles-ci protègent, de manière pleinement satisfaisante, le droit à l’anonymat de toute personne comparaissant en justice, sauf exceptions dûment définies. De la part d’un tribunal, imposer aux journalistes chargés de couvrir un procès l’obligation de signer un engagement préalable comprenant une liste d’interdictions aussi vastes qu’imprécises est inacceptable.»

Dans la matinée de mardi, le tribunal a laissé entendre qu’il pourrait assouplir ses exigences sur certains points. Il n’en demeure pas moins que le procédé, dans son principe même, constitue une atteinte lourde à la liberté d’informer. RSF Suisse invite les journalistes concernés et leurs rédactions à examiner tout moyen permettant de contester juridiquement la déclaration qui leur a été imposée.

 

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