Depuis le 1er mars, quatre tours de radios et télévisions ont été visées par des frappes russes empêchant la diffusion des ondes des médias ukrainiens dans le pays. Au moins 32 chaînes de télévision et plusieurs dizaines de radios ont été affectées. Reporters sans frontières (RSF) dépose plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale contre ces attaques constitutives d’un crime de guerre.

Le 4 mars, RSF a déposé plainte auprès du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) pour les crimes de guerre commis par les forces russes en Ukraine. Depuis le début de l’agression de l’Ukraine le 24 février, l’armée russe a bombardé délibérément plusieurs antennes de télévision à travers le pays.

Selon le droit international, une installation comme une antenne de radiodiffusion ne peut être une cible militaire légitime que si elle est utilisée comme émetteur et relais radio pour le compte de l’armée, si elle est temporairement affectée à un usage militaire, ou si elle est employée à des fins à la fois civiles et militaires.

La plainte démontre que les tours de télévision étaient des infrastructures uniquement civiles, que la cible était donc la diffusion des médias ukrainiens, décrits par la Russie comme participant à des “attaques informationnelles”. Elle souligne le caractère intentionnel de ces attaques, et le fait qu’elles sont conduites à grande échelle, ce qui démontre que ces attaques sont menées en application d’un plan délibéré.

« Bombarder délibérément de nombreuses infrastructures de médias comme des antennes de télévision, constitue un crime de guerre et démontre l’ampleur de l’offensive lancée par Poutine contre le droit à l’information, déclare Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters sans frontières (RSF). Ces crimes sont d’autant plus graves qu’ils relèvent à l’évidence d’un plan, d’une politique et sont commis à grande échelle. Nous appelons le Procureur de la Cour pénale internationale à placer les crimes contre les médias et les journalistes au cœur de l’enquête qu’il a ouverte le 28 février. »

Le procureur de la Cour pénale internationale a en effet annoncé le 28 février l’ouverture d’une enquête sur la situation en Ukraine. Le 2 mars, 39 États parties au Statut de Rome ont saisi formellement le procureur de cette situation. Ces saisines lui permettent d’engager immédiatement ses investigations sans devoir solliciter préalablement l’autorisation des juges.

Le 1er mars, les 32 chaînes de télévision et plusieurs dizaines de chaînes radios nationales émises depuis la tour de télévision de Kiev, la capitale ukrainienne, sous le feu de l’armée russe depuis une semaine, ont brutalement cessé leur diffusion après une frappe de précision sur l’antenne de radiodiffusion. Ce bombardement délibéré de la part des autorités avait été annoncé plus tôt par le ministère de la Défense russe. Sous couvert de protection des civils, il a en réalité signé ses crimes.

La tour de télévision de Kiev dont un bâtiment technique adjacent a été détruit par les bombes n’avait aucun usage militaire et n’était utilisée que par des télévisions et des radios civiles, telles que la chaîne publique UA Pershiy, la chaîne privée 1+1 et la chaîne d’information Ukraine 24. Les auditeurs des chaînes et des radios dont la diffusion a été stoppée ont dû utiliser des canaux alternatifs par satellite ou en ligne pour accéder aux programmes avant qu’ils ne soient rétablis dans la journée. Présent sur les lieux au moment de la frappe russe, le caméraman de la chaîne locale Kiev Live TV Evgeny Sakun ainsi que quatre autres personnes ont été tués lors de l’attaque.

Depuis cette première attaque d’ampleur contre une infrastructure essentielle à l’accès à l’information, la Russie a multiplié les attaques contre les tours de télévision. Selon les informations recueillies par RSF et son partenaire local IMI, au moins trois autres tours de radiotélévision ont été ciblées par des bombardements, à Korosten, Lysychansk et Kharkiv et deux antennes de radiodiffusion ont stoppé leur émission après que les militaires russes en ont pris le contrôle, à Melitopol et Kherson.

Le 2 mars, en fin de matinée, à Lysychansk, dans la région de Louhansk, dont la Russie a reconnu l’indépendance, des frappes ont visé la tour de télévision de la ville. Peu avant 13 heures, la tour de radiotélévision de Kharkiv, au nord-est du pays, a été ciblée par deux missiles russes, ce qui a entraîné la suspension de sa radiodiffusion. Plus tard le même jour, c’est la tour de télévision de Korosten, dans le nord du pays, qui a été détruite par une autre frappe.

Ces frappes contre des antennes de télécommunication montrent une volonté délibérée des forces russes d’empêcher la diffusion de l’information. L’avertissement émis peu avant l’attaque indique clairement que les forces Russes veulent mettre fin à ce qu’elles qualifient d’“attaques informationnelles”.

Cette volonté est confirmée par la coupure des signaux des télévisions et radios ukrainiennes dans plusieurs villes dont l’armée russe a pris le contrôle. Dans le sud du pays envahi par la Russie depuis la Crimée, les forces d’occupation ont bloqué la diffusion des chaînes et des radios ukrainiennes depuis les tours de télécommunication des villes de Melitopol et de Kherson. Les équipements des tours ont été changés et émettent désormais la chaîne de propagande pro-Kremlin Russia 24.

Dans le même temps, le signal satellite de la chaîne UA Pershiy du groupe audiovisuel public ukrainien Suspline est victime de tentatives de brouillage de la part de la Russie et son site internet a été piraté, le 1er mars.

L’Ukraine se situe à la 97e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF. La Russie occupe la 150e position.

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