Le Ministère public fédéral allemand a indiqué, mardi 16 mars, avoir procédé à l’arrestation d’un ancien membre d’une unité spéciale de l’armée gambienne. L’homme est notamment suspecté par les enquêteurs allemands d’avoir joué un rôle dans la mort, en 2004, d’un journaliste gambien qui s’était montré critique envers le régime de l’ex-dictateur de la Gambie, Yahya Jammeh.

Selon des sources judiciaires citées par RSF à Berlin, ce journaliste serait Deyda Hydara, éditeur du journal indépendant The Point et correspondant sur place à la fois de l’agence de presse française AFP et de Reporters sans frontières. Il avait été abattu en pleine rue, le 16 décembre 2004. Peu auparavant, il avait vivement critiqué les nouvelles lois sur la presse, très répressives, imposées par le régime.

Selon le parquet fédéral allemand, le suspect est prévenu d’assassinat, de tentative d’assassinat et de crimes contre l’humanité. La justice allemande le soupçonne d’avoir fait partie d’une unité spéciale impliquée dans l’exécution du journaliste. Elle lui reproche également d’avoir participé à une tentative d’assassinat sur un avocat. Les accusations qui pèsent sur le suspect relèvent de la compétence dite « universelle » des juridictions allemandes, qui leur permet de poursuivre certains crimes d’une gravité particulière où qu’ils aient été commis.

« Cette arrestation est un signal très encourageant dans la lutte mondiale contre l’impunité », déclare Christian Mihr, directeur de RSF à Berlin. Le message est le suivant : quiconque est impliqué dans le meurtre d’un journaliste ne doit pas être à l’abri de poursuites judiciaires où que ce soit dans le monde. Nous n’aurons de cesse que l’ex-dictateur de la Gambie, Yahya Jammeh, soit lui aussi enfin traduit en justice pour ce meurtre. »

Selon les recherches de RSF, le journaliste aurait été attiré dans une embuscade. Les tueurs se seraient ensuite enfuis dans une voiture sans plaque d’immatriculation. RSF a également découvert que les services de renseignement gambiens avaient surveillé le journaliste jusque peu avant sa mort.

Les médias indépendants ont été constamment persécutés en Gambie sous le régime de Jammeh. Outre son rôle dans la censure et les nombreuses arrestations de professionnels des médias, l’ex-dictateur est également soupçonné d’être responsable des meurtres de deux autres journalistes – Chief Ebrima Manneh et Omar Barrow.

Depuis la fin de la dictature de Jammeh en 2017, le monopole de l’information des radios et télévisions d’État a été aboli et de nombreux nouveaux médias ont été créés. Le président Barrow a annoncé des réformes profondes en faveur d’une plus grande liberté de la presse, mais leur mise en œuvre se fait attendre à bien des égards.

En Suisse, le Ministère public de la Confédération s’est également fondé sur la compétence universelle prévue dans certains cas par la législation suisse pour arrêter l’ancien ministre gambien de l’intérieur sous la dictature, Ousman Sonko. L’homme est en détention provisoire en Suisse depuis 2017. Il est accusé de crimes contre l’humanité. Il aurait été responsable d’actes de torture commis par la police et des gardiens de prison. En octobre dernier, le Tribunal fédéral a confirmé son maintien en détention.

La Gambie a gagné 56 places depuis la fin de la dictature de Jammeh et est désormais classée 87e sur 180 pays dans le classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par RSF.

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