La section suisse de Reporters sans frontières (RSF) s’oppose à l’initiative parlementaire « Inscription dans la Constitution d’un article sur les médias » dont le Conseil des Etats doit débattre ce mercredi 2 décembre. Sous couvert de bonnes intentions, le texte proposé porte atteinte à la liberté de la presse (Photo Keystone-ATS: Stefan Engler (PDC/GR) et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga lors du débat sur l’aide à la presse au Conseil des Etats, 4 mai 2020).

Lancée par l’ancien conseiller aux Etats Filippo Lombardi (PDC/TI), reprise par son collègue de parti valaisan Beat Rieder, l’initative parlementaire 18.473 entend clarifier et étendre les compétences de la Confédération dans le domaine des médias et singulièrement de l’aide aux médias. Le nouvel article constitutionnel proposé donnerait à l’Etat fédéral le pouvoir de légiférer sur l’ensemble des médias, quel que soit leur support technologique ou de diffusion.

Il permettrait à la Confédération de fournir une aide directe aussi bien à la presse imprimée – ce qui est impossible actuellement – qu’aux médias en ligne et audiovisuels. RSF Suisse soutient cet objectif et reconnaît que les bases constitutionnelles actuelles, dont l’origine remonte à une époque antérieure à l’arrivée du web, ne correspondent plus à la réalité du 21e siècle.

Toutefois, pour nécessaire qu’elle soit, l’aide aux médias ne doit pas servir de prétexte pour restreindre la liberté de la presse. Or, le texte qui doit être débattu par le Conseil des Etats y porte une atteinte inacceptable. Il propose en effet de soumettre la presse, sans la moindre justification, au même mandat de prestation que celui qui incombe aujourd’hui à la radio et à la télévision, spécialement aux programmes de service public. Cela signifie que les journalistes de la presse écrite pourraient se voir imposer des contraintes analogues : mandat culturel, représentation de la diversité des opinions, présentation fidèle des faits, etc. Avec, à la clé, les mêmes contrôles juridiques possibles sur les contenus publiés.

Cette approche doit être fermement rejetée. L’article constitutionnel actuel sur la radio et la télévision repose sur l’idée que l’Etat régule et pourvoit au financement d’un segment seulement du secteur médiatique, l’audiovisuel, pour des raisons propres à celui-ci, liées notamment à la position dominante de la SSR et à son pouvoir d’influence. La presse, elle, dans les limites du droit commun, reste à l’abri de tout droit de regard des pouvoirs publics sur sa production éditoriale.

Il doit continuer à en être ainsi. Le mandat de la radio et de la télévision ne peut être étendu à l’ensemble des médias sans bouleverser complètement les conceptions admises jusqu’ici et sans menacer la liberté de la presse. La réflexion sur une éventuelle révision de la Constitution doit se poursuivre sur de tout autres bases. En outre, elle ne doit pas retarder la nécessaire adoption des bases légales nécessaires à la mise sur pied d’un soutien étendu aux médias, dans le cadre certes restreint mais de loin pas inexistant des compétences fédérales actuelles.

Pour toutes ces raisons, RSF Suisse appelle le Conseil des Etats à rejeter l’initiative parlementaire 18.473.

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