A l’occasion de l’ouverture à Istanbul d’un procès pour le meurtre du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, Reporters sans frontières (RSF) lance un appel pour que la justice soit enfin rendue. L’organisation qui a demandé à se constituer partie civile assistera aux procédures. Après l’échec du jugement de cette affaire par les tribunaux saoudiens, le procès turc représente aujourd’hui la meilleure chance de voir les meurtriers de Jamal Khashoggi répondre de leur acte.

Le procès débutera à 10 heures heure locale, le 3 juillet prochain, au Tribunal de Çağlayan, à Istanbul : 20 citoyens saoudiens seront jugés par contumace pour leur lien avec le meurtre du chroniqueur saoudien Jamal Khashoggi, le 2 octobre 2018, au consulat d’Arabie saoudite d’Istanbul. Le procureur d’Istanbul a inculpé deux anciens responsables saoudiens d’incitation au meurtre et 18 autres personnes d’avoir exécuté « l’assassinat délibéré et monstrueux ». S’ils sont jugés coupables, ils risquent la réclusion à perpétuité. Toutefois, les accusés n’étant pas physiquement présents en Turquie, la probabilité d’un procès complet reste faible.

« L’assassinat de Jamal Khashoggi demeure l’un des plus horribles crimes de journaliste que nous ayons jamais vus. Et ce qui est également terriblement choquant, c’est le peu qui a été entrepris, pendant près de deux ans, pour que justice soit faite et pour que le gouvernement saoudien rende des comptes alors même que le royaume préside actuellement le G20, déclare le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. Nous espérons que le procès qui s’annonce en Turquie non seulement ouvrira une voie nouvelle vers la justice, mais servira aussi de piqûre de rappel à la communauté internationale sur l’urgence de mettre un terme à l’impunité des assassins de Jamal Khashoggi et de garantir une meilleure protection  aux journalistes, où qu’ils soient. »L’action en justice turque succède à un procès à huis-clos en Arabie saoudite, où 11 hommes ont été jugés pour leur lien avec l’assassinat de Khashoggi. Cinq d’entre eux ont été condamnés à mort et trois autres à la réclusion à perpétuité. Mais ces hommes ont ensuite été « pardonnés » publiquement par les fils du journaliste, s’acheminant ainsi vers une grâce et libération probables. La fiancée de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz a quant à elle déclaré que « personne n’avait le droit de pardonner aux meurtriers ». RSF ne soutient en aucun cas la peine de mort. Le procureur général adjoint du royaume saoudien a affirmé que l’enquête de l’accusation concluait à l’absence de préméditation dans le meurtre de Khashoggi.« Ce procès à Istanbul représente aujourd’hui le meilleur espoir que justice soit rendue pour Jamal Khashoggi, après l’échec flagrant du procès saoudien. Nous serons des observateurs attentifs et appelons à ce que les procédures se déroulent dans une totale transparence, en accord avec les principes internationalement reconnus de la justice », déclare  Erol Önderoğlu, le représentant de RSF en Turquie.La Rapporteure spéciale de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires Agnès Callamard a mené une enquête et publié un rapport complet sur l’assassinat de Khashoggi, dont la conclusion est que le journaliste a été victime d’une « exécution délibérée et préméditée ». Par la suite, elle a qualifié le pardon accordé aux meurtriers du journaliste comme étant « l’acte final de la parodie de justice » des tribunaux saoudiens. La Rapporteure devrait assister à l’ouverture du procès d’Istanbul, tout comme la fiancée de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz.RSF a activement mené campagne pour que justice soit faite dans cette affaire et pour la libération de 32 journalistes aujourd’hui arbitrairement détenus en Arabie saoudite. L’organisation a soulevé ces questions directement avec les autorités saoudiennes lors d’une mission pour la liberté de la presse sans précédent à Ryad en avril 2019. RSF a mené une autre grande campagne pour mettre fin à l’impunité des violences contre les journalistes et pour la libération des journalistes emprisonnés en Turquie.
La Turquie et l’Arabie saoudite occupent respectivement le 154e et le 170e rang sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF.

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