Des représentants de plusieurs organisations internationales de défense de la liberté d’expression ont fait le déplacement à Istanbul cette semaine pour observer l’ouverture du procès de 17 journalistes et administrateurs du journal Cumhuriyet.

Nous avons pu prendre connaissance de l’acte d’accusation avant le début du procès. Lors de l’audience à laquelle les délégués ont assisté, les prévenus se sont défendus contre des accusations de soutien au terrorisme et d’abus de pouvoir au sein de la rédaction.

Nous avons trouvé crédibles les arguments de la défense, selon lesquels le dossier repose sur des pièces à conviction fragiles et soigneusement choisies pour appuyer une thèse prédéterminée. Dans le meilleur des cas, les plaidoiries des journalistes et administrateurs de Cumhuriyet montrent que les autorités n’ont pas mené une enquête sérieuse.

La défense a souligné que l’acte d’accusation reposait sur des erreurs factuelles et considérait comme éléments de preuve des articles de presse mal interprétés ou tirés de leur contexte. Ces arguments soulèvent une inquiétude légitime, tout comme le recours par le procureur à des « experts » aux compétences douteuses.

Nous sommes préoccupés par l’insistance du parquet à criminaliser des contacts anodins et inévitables – voire des tentatives de contacts auxquelles les accusés n’ont pas donné suite – avec des individus utilisant une application de messagerie cryptée sur leur téléphone. Cela relève d’une volonté d’établir des culpabilités sur la base d’associations ténues.

Nous sommes également troublés que le procureur en charge du dossier fasse lui-même l’objet d’une enquête pour de présumés liens avec la confrérie Gülen. Ce procureur, en liberté à ce jour, a droit à la présomption d’innocence. Mais les journalistes et administrateurs de Cumhuriyet, qui ont déjà passé près de neuf mois en détention provisoire, devraient aussi y avoir droit.

Au vu du contexte actuel en Turquie, il est difficile de ne pas voir que ce procès relève d’une volonté politiquement motivée de criminaliser le journalisme. Nous sommes alarmés que l’accusation assimile le journalisme à de l’extrémisme violent.

Ce procès est un test : son résultat indiquera quelle place les droits humains et l’état de droit prendront dans le futur du pays.

Nous sommes soulagés par la décision prise ce 28 juillet de remettre sept accusés en liberté sous contrôle judiciaire, et nous appelons les autorités à la mettre en œuvre immédiatement. Mais c’est l’ensemble des journalistes et administrateurs de Cumhuriyet qui devraient être libérés, ainsi que tous les journalistes et défenseurs des droits humains emprisonnés pour leurs activités professionnelles, au mépris du droit fondamental de partager et recevoir de l’information.

Nous concluons de l’audience à laquelle nous avons assisté que ces accusations n’auraient jamais dû être brandies et qu’elles devraient immédiatement être levées.

  • The European Centre for Press and Media Freedom (ECPMF)
  • Fédération européenne des journalistes (FEJ)
  • Fédération internationale des journalistes (FIJ)
  • The International Press Institute (IPI)
  • The International Publishers Association (IPA)
  • PEN International
  • PEN Belgique (centres francophone et néerlandophone)
  • PEN Pays-Bas
  • PEN Norvège
  • PEN Suisse (centres francophone, italophone et romanche)
  • Reporters sans frontières (RSF)

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