Le Prix spécial de l’organisation One World Media a été remis ce 6 juin, à Londres, à Radio Erena, seule radio érythréenne d’information indépendante, lancée il y a huit ans grâce au soutien de Reporters sans frontières (RSF).

Ce 6 juin 2017, Fathi Osman a reçu au nom de Radio Erena le prix spécial du One World Media. Ce prix, fondé en 1988 par l’ONG anglaise, récompense chaque année les journalistes qui couvrent la vie politique, sociale et culturelle de leur pays. Son prix spécial distingue en particulier les journalistes indépendants de pays en développement tels que l’Erythrée.

“ C’est un grand honneur de recevoir ce prix, a déclaré Fathi Osman. Je suis très heureux car récompenser Radio Erena, c’est récompenser les victimes sans voix et les journalistes emprisonnés en Erythrée. C’est un jour spécial pour les médias érythréens.”

Depuis Paris, Amanuel Ghirmai, journaliste de Radio Erena s’est également exprimé : “Avec ce prix, j’ai le sentiment que la voix de Radio Erena a vaincu la peur, qui est le meilleur instrument du gouvernement Érythréen pour réduire ses citoyens au silence. Je suis si fier du combat de l’équipe de Radio Erena pour faire connaître les réalités de la vie en Erythrée, tout en sachant rester indépendants. Un jour, je l’espère, Radio Erena pourra émettre depuis Asmara.”

Seule radio indépendante en exil

Il n’existe aucune information indépendante émanant d’Erythrée, traitant du sort des Erythréens, et des conditions politiques et sociales de leur vie. Radio Erena fait figure d’exception et constitue un véritable lien entre les exilés et leur pays d’origine, en traitant à la fois des questions liées à la diaspora, mais également à l’histoire de l’Erythrée, de son actualité, et des questions internationales.

Radio Erena fournit une information impartiale et professionnelle. Elle est également la radio la plus accessible pour les Érythréens restés dans leur pays, mais aussi pour la diaspora à travers le monde. Diffusée depuis Paris en tigrinya et en arabe – les deux langues nationales de l’Erythrée – elle est reconnue par la population comme étant la radio érythréenne la plus fiable.

La radio est née en 2009 de la vision de Biniam Simon, ancien journaliste vedette de la télévision nationale érythréenne, Eri-TV, qui a fui son pays. Arrivé en France en 2007, il a souhaité pouvoir exercer son métier librement et fournir une information indépendante aux Érythréens. Grâce à sa persévérance et à l’appui de RSF, il a pu monter Radio Erena (“Notre Érythrée” en Tigrinya) en 2009.

La radio offre une ouverture non négligeable aux Érythréens, grâce à son équipe de quatre journalistes professionnels à Paris et une douzaine de correspondants à travers le monde. Loin d’être une radio d’opposition comme nombre d’autres radios érythréennes en exil, Radio Erena est attachée à un traitement équilibré de l’information, ce qui n’empêche pas le régime d’en faire la cible de sa propagande et de ses campagnes de désinformation volontaire. Les attaques qu’a subies la radio en 2012 (le site internet de la radio a été attaqué et son signal satellitaire brouillé par une onde porteuse pirate émettant d’Érythrée), et les fréquentes tentatives de brouillage depuis l’Érythrée de sa diffusion en ondes courtes, montrent d’ailleurs à quel point compte Radio Erena.

Selon les chiffres de RSF, au moins 15 journalistes sont actuellement emprisonnés en Erythrée, faisant de la dictature d’Isaias Afewerki, la plus grande prison d’Afrique pour les journalistes. Parmi eux, Dawit Isaak a d’ailleurs reçu le Prix mondial de la liberté de la presse décerné par l’UNESCO en mars dernier. Face à la répression aveugle qui s’est abattu sur le pays en 2001, des milliers d’Erythréens, dont des dizaines de journalistes, n’ont eu d’autre choix que de fuir leur pays. Reporters sans frontières tente de suivre le maximum de dossiers de journalistes érythréens en exil. Son association avec Radio Erena vise à lutter contre l’oubli d’un pays et de sa population, encore trop peu pris en compte par les institutions internationales.

Rappelons que l’Erythrée détient l’avant-dernière place (179e) au Classement mondial de la liberté de la presse 2017, établi par Reporters sans frontières.

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