Ce lundi 1er août, le Sénat débute l’examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022, comprenant notamment la suppression de la redevance audiovisuelle. Son possible remplacement par un prélèvement sur la TVA – solution adoptée par les députés le 27 juillet – ne serait qu’une solution transitoire, donc insuffisante. Reporters sans frontières (RSF) demande au gouvernement et aux parlementaires la mise en place d’un dispositif de financement des médias publics digne de leur mission au sein de la démocratie française.

“Supprimer la principale source de financement des médias publics sans proposer une solution digne de leur rôle dans notre démocratie relève d’une logique de bricolage, dénonce le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. L’improvisation est inacceptable au regard de l’importance de l’enjeu, à savoir l’indépendance et le pluralisme de l’information. Nous exhortons le gouvernement à trouver une solution pérenne de financement qui garantisse la protection des médias publics des pressions politiques, et demandons aux parlementaires de l’inscrire rapidement dans la législation.” 

Adopté par les députés le 27 juillet dans le projet de loi de finances rectificative pour 2022, le mécanisme de financement de l’audiovisuel public, que les sénateurs auront à examiner ce lundi 1er août, s’avère insatisfaisant. Malgré les appels, notamment de RSF, les députés n’ont adopté qu’une solution transitoire, en l’occurrence le prélèvement d’une fraction de TVA.

Là où le gouvernement proposait le remplacement de la contribution à l’audiovisuel public (CAP, auparavant la redevance) par des crédits alloués aux médias publics directement depuis le budget de l’État, sous forme d’“une mission budgétaire ad hoc”, un prélèvement sur la TVA conserve un système de taxe affectée, isolant les ressources allouées à l’audiovisuel public du budget de l’État. Ce système garantit que ces ressources ne relèvent pas du bon vouloir du gouvernement, préservant ainsi l’indépendance des chaînes publiques.

Malheureusement, cette solution liée à la TVA ne peut être durable. Adoptée en décembre 2021, la réforme de modernisation des finances publiques prévoit en effet que toute affectation de taxe à une mission de service public devra, à partir de 2025, être justifiée par un lien entre cette taxe et la mission financée, ce qui n’est pas le cas de la relation entre la TVA et l’audiovisuel. Ce dernier ne pourra donc compter sur cette source de financement que pendant deux ans. La question se reposera donc de nouveau dès 2024.

L’avenir du financement des médias publics a été fragilisé dès l’automne 2019 quand a été décidée la fin progressive de la taxe d’habitation, sur laquelle était adossée la CAP, ainsi que la suppression, à partir de 2023, de l’outil de collecte de cette taxe et de la CAP. La suppression de la redevance sans que ne soit envisagé un mécanisme de remplacement pérenne, et la proposition faite à la dernière minute d’un mécanisme alternatif, via la TVA, ne sont que la continuation de cette inquiétante improvisation.

Pour mémoire, plusieurs solutions proposées pourraient garantir l’indépendance et la prévisibilité du financement de l’audiovisuel public : un financement par la loi de programmation des finances publiques, avec l’implication d’une commission indépendante pour avis ; une redevance universelle et progressive en fonction des revenus des foyers ; un prélèvement sur recettes de l’État (“PSR”) proposé par le député Bruno Studer. Aucune de ces propositions n’a fait l’objet d’un engagement politique de la part du gouvernement, et encore moins d’un vote favorable des députés. Or, si le Parlement ne vote pas un dispositif de financement suffisamment protecteur pour l’indépendance des médias publics, la suppression de la CAP risque d’être censurée par le Conseil constitutionnel, comme le souligne le récent rapport des inspections générales des finances et des affaires culturelles. Selon la jurisprudence du Conseil, l’indépendance de l’audiovisuel public est en effet un objectif de valeur constitutionnelle, et la garantie de ses ressources une condition de leur indépendance.

Alors que la Commission européenne s’apprête à adopter une proposition de législation sur la liberté des médias dont l’un des buts est de renforcer l’indépendance des médias de service public européens, l’audiovisuel public français s’enfonce dans l’incertitude.

La France se situe à la 26e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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