Un mois après le début des manifestations et des troubles qui secouent le pays, l’Iran devient le troisième pays du monde comptant le plus grand nombre de journalistes emprisonnés, après la Chine et la Birmanie. Selon les données de Reporters sans frontières (RSF), le nombre de professionnels des médias sous les verrous en Iran est sans précédent depuis 20 ans. RSF appelle à la libération immédiate de tous les journalistes et à la mise en place de mesures concrètes pour que cesse, sans délai, cette détérioration de la liberté de la presse (Photo Keystone/AP Peter Dejong).

“Les troubles qui secouent l’Iran montrent que les journalistes font partie des premières cibles dans le pays, relève le Bureau Moyen-Orient de RSF. Le gouvernement iranien profite des arrestations actuelles pour museler, à un rythme effrayant, les journalistes et les médias indépendants. Cette répression du droit d’informer a atteint un niveau sans précédent. Nous appelons les autorités iraniennes à inverser immédiatement cette politique en relâchant tous les journalistes détenus dans le pays et en cessant toute interférence avec le travail des médias indépendants, qui fournissent un service public crucial.

Nilufar Hamedi était l’une des premières journalistes à révéler l’histoire de Mahsa Amini, morte après avoir été arrêtée par la police iranienne pour « tenue vestimentaire inappropriée », et donc elle a été l’une des premières journalistes emprisonnées. Après la mort de Mahsa Amini le 16 septembre, les forces iraniennes ont incarcéré un total de 31 journalistes, dont 27, y compris 10 femmes journalistes, sont toujours derrière les barreaux. Alors que 14 journalistes étaient déjà détenus avant cette nouvelle vague de protestation et de répression, cela porte à 41 le nombre total de journalistes emprisonnés en Iran, derrière la Chine avec 102 et la Birmanie avec 67 journalistes en prison.

Les données de RSF montrent que le nombre de journalistes actuellement détenus en Iran est au plus haut depuis des décennies, même si la précédente vague de manifestations a également été sévèrement réprimée. Durant les troubles provoqués par une forte augmentation du prix du carburant en 2019, 33 journalistes avaient été emprisonnés par les autorités iraniennes, soit trois de plus qu’en 2018, année également marquée par plusieurs manifestations.

“Je dois dire que ces cinq dernières années, et alors qu’on a vécu plusieurs manifestations, il n’y a jamais eu autant de pression de la part des services de sécurité qu’aujourd’hui, durant celles qui secouent tout le pays après l’assassinat de Mahsa Amini. À chacune de ces périodes, les journalistes et les médias ont subi de fortes pressions, et nous avons reçu des menaces et des convocations, mais jamais autant qu’en ce moment”, a confié un journaliste iranien à RSF sous couvert d’anonymat.

Les journalistes ne semblent être en sécurité nulle part. Les arrestations ont eu lieu dans 14 villes différentes, de la plus petite à la capitale, Téhéran.

Selon les informations de RSF, les restrictions exercées sur les médias et le travail journalistique par les autorités iraniennes n’ont cessé de croître. Non seulement des journalistes ont été détenus et torturés pour avoir couvert les manifestations, mais au moins 13 d’entre eux ont été arrêtés lors de raids à leur domicile par les forces de sécurité.

“La nuit dernière, alors que je dormais, le téléphone a sonné. Au bout du fil, l’épouse de mon fils m’a dit en pleurant qu’ils étaient en train de défoncer la porte de leur maison. Nous sommes partis chez Navid Jamshidi, notre fils, pour voir ce qu’il se passait. Dix individus étaient entrés dans la maison, avaient attaché les mains de Navid Jamshidi dans le dos, et étaient en train de fouiller la maison. Je ne sais pas ce qu’ils cherchaient”, a raconté Iraj Jamshidi, le père de Navid Jamshidi et fondateur d’Asianews, dans une vidéo postée le 25 septembre sur son site. Navid Jamshidi, un journaliste indépendant, est détenu par les forces iraniennes depuis le 24 septembre pour des motifs inconnus.

Depuis le début des manifestations, l’accès à l’information et le travail des journalistes sont dans le viseur des autorités iraniennes. D’une part, celles-ci coupent l’accès à l’Internet presque chaque jour et empêchent l’accès aux VPN. D’autre part, les médias indépendants sont placés sous une surveillance stricte, ce qui a poussé nombre d’entre eux à l’autocensure afin de se protéger et de protéger leurs journalistes contre les attaques des forces de sécurité.

L’Iran occupe depuis longtemps l’un des pires rangs en matière de liberté de la presse, soit la 178e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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