Dans l’attente du verdict du nouveau procès fait au commanditaire présumé de l’assassinat, en 2018, de Jan Kuciak et de sa fiancée, Reporters sans frontières (RSF) demande que justice soit pleinement rendue et annonce apporter son soutien financier et son expertise à un projet inédit de protection des journalistes (Photo KEYSTONE/AP/DARKO VOJINOVIC).

Ce lundi 20 février, veille du cinquième anniversaire de l’assassinat du journaliste slovaque Jan Kuciak et de sa fiancée Martina Kusnirova, un nouveau mécanisme de protection des journalistes sera lancé pour suivre et prévenir les attaques contre les journalistes slovaques, et aider les victimes. Le projet, intitulé Safe.Journalism.sk (Bezpecna.Zurnalistika.sk), a été mis en œuvre par le Centre d’investigation Jan Kuciak (ICJK), un média d’investigation et une ONG fondés en 2018. RSF, en tant que l’un de ses deux partenaires principaux – l’autre étant l’ambassade des Pays-Bas à Bratislava – soutient ce projet en termes de financement et d’expertise. Inspiré par le mécanisme de protection hollandais PersVeilig, le projet slovaque est le premier du genre dans le pays.

Dans sa phase initiale, Safe.Journalism.sk a mené une étude au sein de la communauté journalistique pour identifier les menaces. La prochaine étape consistera à élaborer des mesures spécifiques pour protéger les journalistes à travers des échanges avec les autorités slovaques.

“Les journalistes slovaques ne seront pas en sécurité tant que justice ne sera pas pleinement rendue pour l’assassinat de Jan Kuciak et que des mesures systémiques ne seront pas prises, déclare le responsable du bureau UE-Balkans de RSF, Pavol Szalai. Le lancement de Safe.Journalism.sk, que nous sommes fiers de soutenir, est l’une de ces mesures. Nous continuerons à accompagner le projet en tant qu’exemple modèle de coopération entre les journalistes eux-mêmes, mais aussi avec l’État et des partenaires internationaux, afin d’assurer leur protection contre toutes sortes de menaces.”

“Notre nouvelle étude met au jour la véritable portée du problème de la sécurité des journalistes en Slovaquie, cinq ans après l’assassinat de Jan Kuciak, souligne le président et rédacteur en chef d’ICJK, Lukas Diko. Jusqu’à deux tiers des journalistes ont déclaré avoir fait l’objet d’une agression ou d’une menace l’année dernière. L’incitation à la haine par certains politiciens, les attaques physiques, personnelles ou en ligne sont autant de pressions exercées sur les journalistes qui font leur travail dans l’intérêt public. C’est pour cela que nous lançons Safe.Journalism.sk.”

 Les attaques en ligne sont les plus répandues

L’étude en ligne a été menée entre décembre 2022 et janvier 2023 par l’institut de sondage AKO auprès d’un échantillon de 400 journalistes slovaques travaillant pour de grands médias nationaux, régionaux ou locaux, ainsi que pour des titres internationaux.

Plus des deux tiers (66 %) des journalistes qui ont répondu à l’enquête ont fait l’expérience d’un incident (attaque ou menace) au cours des 12 derniers mois. Les plus répandus étaient des attaques verbales en ligne (40 %) et directes (36 %). Les agressions physiques et les menaces juridiques telles les procédures-bâillons ont concerné respectivement 4 % et 2 % des journalistes. Près des trois quarts (73 %) des incidents ont été décrits par les journalistes comme étant des discours de haine à leur encontre. En conséquence de ces incidents, 16 % des journalistes ont eu recours à de l’autocensure.

L’étude révèle que 16 journalistes ont été victimes d’agressions physiques, un chiffre considérable par rapport aux autres petits pays européens – et d’autant plus inquiétant en Slovaquie, où l’on attend toujours le verdict pour l’ordre donné à l’agression physique la plus grave d’un reporter, l’assassinat de Jan Kuciak, le 21 février 2018.

Affaire Kuciak, un verdict en avril

Mais cinq ans plus tard, une première condamnation du commanditaire de l’assassinat du journaliste et de sa fiancée est à portée de main. Le verdict du nouveau procès en cours contre le commanditaire présumé Marián Kočner et sa complice Alena Zsuzsová est attendu le 24 avril, selon le procureur Matúš Harkabus.

Le nouveau procès, qui se tient devant le tribunal correctionnel spécial, a débuté après que la Cour suprême a annulé,en première instance, en juin 2021, l’acquittement de Marián Kočner et d’Alena Zsuzsová.

Ce sont les articles d’investigation de Jan Kuciak dans Aktuality.sk. qui ont, selon le procureur, constitué le mobile de l’homme d’affaires pour avoir commandité l’assassinat avec l’aide de sa complice : il les avait perçus comme une menace pour ses affaires et ses intérêts politiques, mais aussi pour son impunité vis-à-vis des institutions de maintien de l’ordre slovaques.

Marián Kočner avait été arrêté en juin 2018. L’année suivante, il avait été condamné à une peine de prison de 19 ans pour fraude. Les deux hommes de main et un intermédiaire impliqués dans l’affaire ont déjà écopé de longues peines d’emprisonnement.

La Slovaquie occupe la 27e place sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF en 2022.

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