Menacée de renvoi de Suisse vers la Croatie, la journaliste kurde Perihan Kaya pourrait être ensuite expulsée vers la Turquie. Elle risque d’y être emprisonnée et de subir graves violations des droits de l’homme. Reporters sans frontières (RSF) Suisse et impressum, la principale organisation de journalistes en Suisse, soutiennent le recours de Mme Kaya auprès du Tribunal administratif fédéral afin que sa demande d’asile  soit examinée en Suisse.

La journaliste kurde Perihan Kaya a été condamnée en Turquie à 15 mois de prison en raison de ses activités journalistiques, exercées dans le respect des règles professionnelles et des droits de l’homme. La justice turque lui reproche notamment d’avoir commis le «délit» «d’insulte au président ».

Déjà maltraitée en Croatie

Perihan Kaya s’est réfugiée en Suisse où elle a déposé une demande d’asile. En transit, elle avait été arrêtée et maltraitée par la police des frontières croate. Celle-ci a refusé de prendre en charge une demande d’asile. Pourtant, le 6 janvier 2023, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) a décidé de renvoyer Mme Perihan Kaya en Croatie, au motif que ce pays fait partie de l’espace Dublin. Mme Kaya a déposé un recours au Tribunal administratif fédéral contre cette décision.

La Suisse doit examiner la demande d’asile

Aux yeux d’impressum et de RSF Suisse, il n’existe pas de garanties suffisantes d’un traitement équitable de la demande d’asile de la journaliste par la Croatie. C’est donc à la Suisse d’examiner sa requête. Selon le Classement mondial de la liberté de la presse publié chaque année par RSF, la Croatie « échoue dans la protection des journalistes contre les procédures-bâillons ou le fléau du crime organisé, tout en représentant lui-même une source de menaces à la liberté de la presse. » Il est par ailleurs de notoriété publique que les autorités croates tiennent à entretenir des bonnes relations diplomatiques avec le régime turc de son président Recep Tayyip Erdogan. Si elles devaient traiter correctement la demande d’asile de Perihan Kaya, elles prendraient le risque de provoquer la Turquie.

Edgar Bloch, co-président d’impressum note : « Titulaire d’une carte de presse reconnue et poursuivie en raison de son métier de journaliste en Turquie, notre consœur a été maltraitée en Croatie. Elle ne doit en aucun cas être renvoyée. Conformément à l’accord de Dublin, la Suisse peut recevoir elle-même la demande d’asile. Cela s’impose, à la fois pour des raisons humanitaires et parce que la Turquie surtout, mais aussi la Croatie, questionnent en matière de respect des libertés et du droit, en particulier de la liberté de la presse et de l’information ».

Denis Masmejan, secrétaire général de RSF Suisse, souligne : « La Suisse doit renforcer la protection des journalistes contre les violations des droits de l’homme et examiner la demande d’asile de Mme Kaya. La Turquie emprisonne des journalistes en masse et viole gravement les droits de l’homme. Le risque est trop grand que Mme Perihan Kaya se retrouve en Turquie. »

L’avocat de Madame Kaya, Marco Schwartz, avocat à l’étude Avocats Anwälte à Fribourg : «Dans ce cas concret et particulier, il existe de nombreux motifs qui obligent la Suisse à appliquer la clause dite de souveraineté et donc à traiter la demande d’asile de ma cliente. J’ai bon espoir que le Tribunal administratif fédéral intervienne en conséquence pour remédier à la situation et que la demande d’asile de Madame Kaya soit traitée en Suisse.»

Une expertise confirme le danger particulier pour la journaliste d’une expulsion illégale de Croatie

Le Tribunal administratif fédéral a pris connaissance de l’expertise d’une avocate croate, spécialiste reconnue en matière d’asile. L’examen confirme que Madame Kaya a peu de chances de voir sa demande d’asile traitée objectivement en Croatie, prenant en compte le respect de ses droits.

impressum et RSF Suisse comptent sur le Tribunal administratif fédéral pour accepter le recours de la journaliste Perihan Kaya afin que sa demande d’asile puisse être examinée en bonne et due forme en Suisse. De plus, les organisations signataires comptent sur le fait qu’aucun renvoi ne sera exécuté pendant le traitement du recours.

Diverses organisations demandent que la procédure d’asile soit menée en Suisse

Outre impressum et Reporters sans frontières Suisse, diverses organisations suisses et internationales soutiennent la demande que la demande d’asile de Mme Perihan Kaya soit traitée en Suisse et qu’il soit renoncé à son renvoi en Croatie, en raison de la menace particulière envers la journaliste. Il s’agit notamment de Medienfrauen Schweiz, de la Fédération européenne des journalistes, de la Fédération internationale des journalistes, de la Coalition internationale pour les femmes dans le journalisme, de l’association turque des journalistes Disk-Basın-İş et du Centre européen pour la liberté de la presse et des médias.

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